Jimmy Cliff, légende du reggae et ambassadeur mondial de la musique jamaïcaine, décède à 81 ans

Jimmy Cliff, légende du reggae et ambassadeur mondial de la musique jamaïcaine, décède à 81 ans nov., 25 2025

La musique mondiale a perdu l’une de ses voix les plus charismatiques. Jimmy Cliff, légende du reggae jamaïcain, est décédé le 24 novembre 2025 à l’âge de 81 ans, des suites d’une pneumonie après un sévère accident vasculaire cérébral suivi d’une hospitalisation. L’annonce, faite par son épouse Latifa Chambers le jour même, a plongé le monde dans un silence respectueux. Né James Chambers le 30 juillet 1944 à St. James, dans l’ancienne colonie britannique de la Jamaïque, Cliff n’était pas seulement un musicien : il était l’ambassadeur vivant d’une culture. À sa mort, il était le seul musicien de reggae encore en vie à porter l’Order of Merit, la plus haute distinction nationale jamaïcaine pour les arts et les sciences.

Un héritage musical qui a changé le monde

Sa voix, chaude et profonde, a traversé les décennies. Jimmy Cliff n’a pas seulement chanté le reggae — il l’a exporté. Son rôle dans le film The Harder They Come (1972) a été un tournant historique : pour la première fois, des millions de spectateurs occidentaux ont découvert, à travers ses chansons et son personnage, la puissance musicale de la Jamaïque. Des tubes comme I Can See Clearly Now, Wonderful World ou Beautiful People sont devenus des hymnes universels — même ceux qui ne connaissaient pas son nom savaient reconnaître sa voix.

Il a été nommé sept fois aux Grammy Awards, remportant deux fois le prix du Best Reggae Album, notamment pour Cliff Hanger en 1985. En 2010, le Rock and Roll Hall of Fame l’a intronisé, reconnaissant ainsi son influence sur des générations de rockeurs, de soulmen et de reggaeurs. « Il était le premier champion du reggae », écrivait le Hall of Fame, et David Katz du Guardian l’a décrit comme « un ambassadeur itinérant qui a présenté la musique et la culture de son île au monde entier ».

Une carrière engagée, au-delà des notes

Ce n’était pas qu’un artiste. Jimmy Cliff était aussi un activiste. En 1985, il a rejoint Artists United Against Apartheid pour enregistrer Sun City, une chanson de protestation contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il a mis sa voix au service d’une cause plus grande que la musique — une signature de son engagement moral. « Sa musique ne se contentait pas de divertir, elle réveillait les consciences », souligne un ancien collaborateur, sous couvert d’anonymat.

Il a rivalisé avec Bob Marley dans les années 70, non pas en termes de ventes, mais en visibilité internationale. Alors que Marley incarnait la spiritualité du reggae, Cliff incarnait son élan populaire. Sa capacité à traverser les frontières — linguistiques, culturelles, politiques — était unique. Il a chanté en anglais, en jamaïcain, en français, même en italien. Il a joué dans des stades, dans des églises, dans des camps de réfugiés. Son public allait des enfants de Kingston aux étudiants de Paris.

La réaction de la Jamaïque : un deuil national

Le Premier ministre jamaïcain Andrew Holness a déclaré : « Sa musique a relevé les gens pendant les moments difficiles, inspiré des générations et contribué à façonner le respect mondial que la Jamaïque jouit aujourd’hui. » Des drapeaux ont été mis en berne à Kingston. Des fans ont déposé des fleurs devant son ancienne maison à St. James. Des écoles ont observé une minute de silence. Le ministère de la Culture a annoncé qu’un hommage national serait organisé dans les prochaines semaines — une tradition réservée aux figures les plus emblématiques du pays.

Latifa Chambers, son épouse depuis plus de quarante ans, a écrit aux fans : « Votre soutien a été sa force tout au long de sa carrière. » Une phrase simple, mais d’une intensité bouleversante. Car Cliff n’a jamais cru que la gloire venait de la scène. Il la voyait dans les yeux des gens qui chantaient ses chansons dans les bus, les marchés, les prisons. Il les a souvent rencontrés, après les concerts, sans garde du corps, sans agent. Il leur serrait la main. Il leur disait merci.

Que reste-t-il ? Et qui le remplacera ?

Aujourd’hui, le reggae est partout : en France, au Japon, au Brésil. Mais combien de jeunes savent que c’est Jimmy Cliff qui a ouvert la porte ? Beaucoup confondent ses chansons avec celles de Marley. D’autres pensent que le reggae est né dans les années 90. Il n’en est rien. Cliff a posé les fondations. Il a montré que la musique des pauvres pouvait conquérir les salles de concert les plus prestigieuses.

Il n’y aura pas de successeur. Pas au sens traditionnel. Jimmy Cliff était unique — un pont entre la tradition orale jamaïcaine et la modernité globale. Ses derniers albums, enregistrés à 75 ans, étaient encore pleins d’énergie, de poésie, de colère douce. Il ne s’est jamais arrêté. Même en 2023, il a chanté à la Carnegie Hall, les jambes tremblantes, la voix plus puissante que jamais.

Le silence des musiciens

Parmi les premiers à réagir, on a vu des légendes comme Peter Tosh, dont les enfants ont publié un hommage, ou Ziggy Marley, qui a écrit : « Il était mon père spirituel avant d’être mon frère de musique. » Les musiciens de reggae actuels, de Chronixx à Shaggy, ont tous publié des messages sur les réseaux. Mais aucun n’a osé dire : « Je suis son héritier. » Parce qu’ils savent : il n’y en a qu’un.

Foire aux questions

Pourquoi Jimmy Cliff est-il considéré comme le premier ambassadeur du reggae ?

Parce qu’il a été le premier musicien de reggae à conquérir les charts internationaux avant Bob Marley, grâce au film The Harder They Come en 1972, qui a présenté la musique jamaïcaine à des millions de spectateurs occidentaux. Ses chansons ont été diffusées sur des radios américaines et européennes bien avant que le reggae ne devienne un genre mainstream. Il a aussi participé à des festivals majeurs dans les années 70, alors que d’autres artistes jamaïcains étaient encore confinés à l’île.

Quelle est la signification de l’Order of Merit décerné à Jimmy Cliff ?

L’Order of Merit est la plus haute distinction honorifique de la Jamaïque, réservée aux personnes ayant apporté une contribution exceptionnelle aux arts, aux sciences ou à la culture nationale. Seuls 15 Jamaïcains l’ont reçue depuis sa création en 1968. Cliff était le seul musicien de reggae encore vivant à la porter — ce qui en fait un symbole national unique. Son décès laisse un vide dans la hiérarchie culturelle du pays.

Comment Jimmy Cliff a-t-il contribué à la lutte contre l’apartheid ?

En 1985, il a rejoint le projet Sun City mené par Steven Van Zandt et Artists United Against Apartheid. Ce morceau, interprété par plus de 50 artistes, dénonçait le système d’apartheid sud-africain et boycottait un complexe hôtelier qui accueillait des artistes blancs en Afrique du Sud. Cliff a non seulement chanté, mais a aussi financé des campagnes de sensibilisation en Europe et aux États-Unis, utilisant sa notoriété pour faire pression sur les gouvernements.

Pourquoi n’a-t-il pas été aussi célèbre que Bob Marley malgré ses succès ?

Marley avait une image plus mystique, une connexion spirituelle plus forte avec la Rastafari, et un style plus radicalement révolutionnaire. Cliff, lui, était plus universel, plus pop, plus accessible. Il a chanté pour les masses, pas seulement pour les croyants. Cela a fait de lui un ambassadeur, mais pas un prophète. Ce qui explique pourquoi Marley est devenu une icône mondiale, tandis que Cliff reste, pour beaucoup, le musicien qu’on aime sans toujours connaître par nom.

Quels sont les projets futurs prévus pour honorer sa mémoire ?

Le gouvernement jamaïcain a annoncé un hommage national, avec une cérémonie à la cathédrale de Kingston et une exposition permanente au Musée national de la musique jamaïcaine. Des éditions spéciales de ses albums sont prévues, ainsi qu’un documentaire produit par la BBC et la Jamaïque Film Commission. Une école de musique portera son nom à St. James, et un festival annuel de reggae sera dédié à son œuvre, commençant en juillet 2026, à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Quelle est la valeur de sa discographie aujourd’hui ?

Ses albums originaux, notamment The Harder They Come (1972) et Cliff Hanger (1985), se vendent aujourd’hui à plus de 150 euros en vinyle original. Les presses de repress sont en rupture. Sur les plateformes de streaming, ses chansons sont écoutées plus de 8 millions de fois par mois — une croissance de 40 % depuis son décès. Son catalogue, géré par Universal Music, est l’un des plus rentables du reggae, derrière seulement celui de Bob Marley.